À l’heure du tout numérique ou presque, mes contemporains n’ont pas pris conscience de la valeur pour eux-mêmes du contenu de leur disque dur. Peu de personnes en effet s’astreignent à réaliser une sauvegarde régulière de leurs données et encore moins à mettre en place une stratégie de sauvegarde un tant soit peu robuste (multiplication des supports et stockage multi-site). Et lorsque j’évoque mes propres pratiques en la matière, je fais plus souvent sourire que je ne convaincs. Peu importe si c’est encore le cas cette fois, une nouvelle rageante m’amène à écrire ce billet.

En 1992, je n’avais pas encore perçu la nécessité de sauvegarder mes données quand un virus m’a saboté six mois de travail personnel. Cette perte a été pour moi le déclic.

En 2001, j’avais invité à plusieurs reprises un ami scénariste à sauvegarder son travail mais il se contentait de m’écouter poliment. Il venait de vendre son premier scénario à la télévision quand son ordinateur a été volé au réparateur à qui il l’avait confié pour remplacer le lecteur de disquette défaillant (le producteur avait demandé une copie du scénario sur disquette).

Il y a deux ans, l’ordinateur d’un collègue a été victime d’un court-circuit. Tout a grillé, y compris le disque dur. Ce collègue réalisait bien des sauvegardes sur un disque externe mais ce disque était en permanence branché sur le PC. Il a grillé en même temps que la machine et un rapport concluant une étude de quatre mois a été perdu.

L’année dernière, un voisin musicien a effacé par erreur un mois de post-production d’un enregistrement réalisé en studio avec son groupe. N’ayant pas réalisé sur l’instant son erreur, il n’a pris aucune mesure conservatoire et les fichiers effacés ont été écrasés. N’ayant aucune sauvegarde, il a définitivement perdu un mois de création et d’effort.

Aujourd’hui, je viens d’apprendre que le disque dur d’une amie a flanché. Il contenait l’intégralité des scènes d’un court-métrage qu’elle avait réalisé en mobilisant pendant trois week-ends huit comédiens amateurs et deux autres personnes. Cette amie, pourtant informaticienne, n’avait pas sauvegardé ces précieux enregistrements. L’affaire me touche car mon épouse était la scénariste et l’une des actrices de ce court-métrage. La seule chose qu’il en reste aujourd’hui est un montage intermédiaire sans grande valeur. Ce court-métrage ne verra donc jamais le jour et je devine déjà l’amertume de tous les participants.

Je vous le dis donc : Sauvegardez vos données !

Et si cela peut vous donner quelques idées, voici ma stratégie, qui est loin d’être parfaite mais qui a au moins le mérite d’exister :

  • Je réalise une sauvegarde vaguement hebdomadaire sur un disque interne : si le PC est victime d’un problème électrique, le disque de sauvegarde ne lui survivra pas mais cela me protège au moins contre les défaillances de mon disque de données et une telle sauvegarde est plus pratique et rapide à faire qu’une sauvegarde sur disque externe.

  • Je réalise une sauvegarde moins fréquente (toutes les trois à quatre semaines) sur un disque externe que j’ai toujours avec moi. Cette pratique préserve mes données d’un problème électrique et, une bonne partie du temps, d’un sinistre touchant mon domicile.

  • Comme mon PC et mon disque de sauvegarde sont cependant assez souvent co-localisés, il y a un risque que je perde les deux simultanément. je stocke donc un second disque externe sur un site différent. De temps à autres, je laisse mon premier disque sur ce site distant et je ramène à la maison le second pour effectuer une sauvegarde sur celui-ci. Là, le rythme est bien plus faible (à vue de nez, une sauvegarde tous les trois ou quatre mois) mais c’est déjà cela.

Je vous invite en outre à :

  • Ne laisser le disque externe branché que le temps nécessaire à la sauvegarde. Mettez-le à l’abri le reste du temps.

  • Chiffrer vos disques externes, surtout s’ils sont nomades. En cas de vol, vous perdrez le disque mais votre vie privée ne sera pas exposée aux yeux d’un inconnu douteux.

  • Utiliser un outil qui réalise des sauvegardes différentielles ou incrémentales plutôt qu’une simple copie où la dernière version d’un fichier écrase sans ménagement la précédente. Il arrive en effet que l’on sauvegarde un fichier corrompu et dans ce cas, ce n’est pas la dernière sauvegarde qui vous sauvera la mise mais l’une des précédentes. J’utilise rdiff-backup qui est à mon sens le meilleur de tous les outils que j’ai pu essayer pour des sauvegardes locales (ou distantes lorsqu’on dispose d’une bande passante généreuse et symétrique). Je ne vous le conseille pour autant pas forcément. Primo, il s’agit d’un outil de geek (comprenez « en ligne de commande »). Secundo, il n’est plus maintenu depuis 2009.

De mon côté, je cherche à améliorer ma stratégie en m’appuyant sur un serveur que j’ai confié à l’hébergeur associatif et militant Tetaneutral. Mais la sauvegarde distante et efficace d’un gros volume de données (~ 100 Go) n’est pas chose facile à réaliser lorsqu’on dispose d’un débit montant de 100 ko/s. Je n’ai pas encore trouvé l’outil idéal et j’ai l’impression que je vais devoir me résigner à décliner des stratégies différentes selon les types de données sauvegardées.